21
- Non, je peux pas. Je n'ai pas mes affaires et ma mère ne voudra jamais.
- Elle est au courant au fait ?
Je bus une gorgée de café et le regardai.
- Au courant de ?
- De moi.
- Hum… Non… Je lui ai dis que je passais le week-end avec Mathilde, mon amie du lycée, avouai-je en baissant les yeux.
- Et tu vas lui dire quand ?
- Je ne sais pas. Pas maintenant.
- Pourquoi ?
J'ai l'impression que ça l'a blessé.
- Ma mère et mon frère sont très… protecteurs. Surtout mon frère en fait. Et ils me poseront mille questions alors je veux attendre encore un peu.
- C'est bon, j'ai compris… soupira-t-il.
- Compris quoi ?
- Tu ne me fais toujours pas confiance et tu as peur que ça ne dure pas entre nous.
Il n'était pas énervé. Seulement déçu.
- Tu sais très bien ce que je pense, soufflai-je.
- Non, justement.
- Selon moi, tu perdras vite ta patience avec moi, et tu abandonneras rapidement.
- Je t'ai dis la nuit dernière que je ne t'abandonnerai jamais. Même si tu ne veux plus me parler, je serai toujours là pour toi.
- Ton envie et ton enthousiasme à aider un petit chien perdu te passera, déclarai-je en me tournant pour vider le reste de mon café dans l'évier et laver ma tasse.
J'étais froide avec lui, mais je voulais vraiment lui montrer qu'avec moi, il ne s'amusera pas beaucoup.
- J'ai compris ce que t'essaie de faire, mais ça ne marchera pas tu sais ? Tu fais tout pour me repousser mais je ne lâcherai pas. Ça prendra peut-être du temps mais j'arriverai à gagner ta confiance. Un jour j'y arriverai. La nuit dernière j'ai vu dans tes yeux de la solitude et de la peine. Je vais tout faire pour t'enlever ses émotions à tout jamais et les remplacer par de la joie. Je ferai en sorte que les larmes que j'ai vu couler sur ton visage hier ne revienne pas trop souvent, voire plus jamais. Je n'ai jamais accompli les objectifs que je m'étaient fixés dans ma vie, mais pour ceux-là, je ne m'arrêterai pas tant qu'ils ne seront pas achevés.
J'étais restée dos à lui durant tout son monologue pour qu'il ne voit pas les larmes rouler silencieusement sur mes joues. Je n'ai jamais autant pleuré en l'espace de deux jours. Je l'entendis partir à la salle de bain et je m'écroulai par terre. Jamais personne ne m'avait dit de tels mots. Jamais personne ne m'avait fait ressentir cela. Cette impression de sécurité n'avait jamais traversé mon esprit, même avec mes parents. Je savais que eux me protègeraient à n'importe quel prix, mais recevoir cette sécurité de la part d'un inconnu, c'était étrange. Devrais-je me laisser aller dans ses bras ? Le laisser m'aider ? Je ne sais plus. Et ça me faisait peur.
Il resta un bon moment dans la salle de bain et lorsqu'il sortit, je m'étais ressaisie. J'espère qu'il ne verra pas que j'avais pleuré.
Il alluma la télé sans un mot et je partis dans la chambre pour m'habiller. Je m'installai ensuite à côté de lui et il me prit la main immédiatement pour entrelacer nos doigts. Je posai ma tête sur son épaule et regardais les images de la télé défiler devant mes yeux.
Au bout de plusieurs minutes de silence, il me proposa de jouer à la Xbox et j'acceptai. On a joué au même jeu que le dernière fois et j'y arrivais beaucoup mieux. Il avait l'air plus détendu, ce qui fit de même pour moi. Je riais quand il me disait que j'étais nulle et me taquinait quand je perdais. C'est-à-dire, à chaque fois. C'était comme si aucune discussion n'avait eu lieu.
Vers treize heure on s'est mis à table pour manger. Je ne mange jamais d'habitude le midi mais depuis que je suis avec lui, je mange tout les week-ends.
- Tu pourras me ramener pas trop tard aujourd'hui ? lui demandai-je en débarrassant les assiettes.
- Qu'est-ce que tu appelles pas trop tard ?
- Vers seize ou dix-sept heure ? J'ai pas mal de cours à réviser et je n'ai pas eu le temps ce week-end. Je veux les faire avant que ma mère rentre.
- Donc ça va être de ma faute en fait ? rit-il.
- Exactement, rigolai-je.
- Mais tu ne peux pas travailler ici ?
- Les dernières fois que j'ai essayé, soit tu m'en a empêché, soit tes potes sont arrivés. Et puis j'ai oublié quelques affaires.
- Ouais bon d'accord, c'est un peu de ma faute. Tu seras chez toi à dix-sept heures à une condition.
Il tourna sur son tabouret face à moi et je voyais déjà son sourire habituel se dessiner sur son visage.
- Laquelle ?
- Embrasse-moi.
Je lui souris en guise de réponse et je m'approchai entre ses jambes. Ses mains se posèrent au creux de mes reins et je passai mes bras autour de son cou.
- Je veux un vrai baiser, pas qu'un petit bisou.
Je l'ai embrassé, d'abord timidement, puis avec plus d'avidité et d'envie. J'avais pris l'habitude d'être embrassée, non pas d'être celle qui embrasse, mais ça avait l'air de lui plaire. C'était donc que je ne m'y prenais pas si mal que je le pensais.
A dix-sept heure pile on était devant chez moi. Il descendis de voiture et je fis de même.
- Pourquoi tu descends ?
- Je veux voir comment c'est chez toi, me sourit-il en me prenant la main.
- Pardon ?
Il ne me répondit pas et avança en direction de la porte extérieur.
- Tu t'invites chez moi ?
- Ouais. Et puis tu m'as dis que ta mère rentrait tard. Je reste juste le temps de boire un café et je m'en vais. Promis !
Je soupirai et ouvris la porte. On monta les deux étages qui menaient à mon appartement. Je le dirigeai vers le salon où il s'assit sur le canapé et je partis servir deux cafés.
- Je peux voir ta chambre ?
- Non.
Il explosa de rire.
- Arrête d'être toujours aussi directe !
- Pourquoi tu veux voir ma chambre ?
- Pour en savoir un peu plus sur toi.
- La réponse est non.
Je resterai catégorique sur ce point. Il était hors de question qu'il voit d'autres pièces que le salon.
- Aller !
- Non, elle n'est pas rangée, mentis-je.
- Et alors ? Tu as vu la mienne ? rétorqua-t-il en s'enfonçant dans le canapé.
- Je m'en fiche.
- Tu m'énerves.
- Je sais.
Il m'a dit ça en boudant, comme un enfant de huit ans, ce qui me fis rire.